Ecclésiaste
INDEX
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- Paroles de l'Ecclésiaste, fils de David, roi de
Jérusalem.
- Vanité des vanités, dit
l'Ecclésiaste, vanité des vanités, tout est
vanité.
- Quel avantage revient-il à l'homme de toute la
peine qu'il se donne sous le soleil?
- Une génération
s'en va, une autre vient, et la terre subsiste toujours.
- Le soleil
se lève, le soleil se couche; il soupire après le lieu
d'où il se lève de nouveau.
- Le vent se dirige vers le
midi, tourne vers le nord; puis il tourne encore, et reprend les mêmes
circuits.
- Tous les fleuves vont à la mer, et la mer n'est
point remplie; ils continuent à aller vers le lieu où ils se
dirigent.
- Toutes choses sont en travail au delà de ce qu'on
peut dire; l'oeil ne se rassasie pas de voir, et l'oreille ne se lasse
pas d'entendre.
- Ce qui a été, c'est ce qui sera,
et ce qui s'est fait, c'est ce qui se fera, il n'y a rien de nouveau
sous le soleil.
- S'il est une chose dont on dise: Vois ceci,
c'est nouveau! cette chose existait déjà dans les
siècles qui nous ont précédés.
- On ne se
souvient pas de ce qui est ancien; et ce qui arrivera dans la suite ne laissera
pas de souvenir chez ceux qui vivront plus tard.
- Moi,
l'Ecclésiaste, j'ai été roi d'Israël
à Jérusalem.
- J'ai appliqué mon coeur à
rechercher et à sonder par la sagesse tout ce qui se fait sous les cieux:
c'est là une occupation pénible, à laquelle Dieu soumet
les fils de l'homme.
- J'ai vu tout ce qui se fait sous le soleil;
et voici, tout est vanité et poursuite du vent.
- Ce qui est
courbé ne peut se redresser, et ce qui manque ne peut être
compté.
- J'ai dit en mon coeur: Voici, j'ai grandi et
surpassé en sagesse tous ceux qui ont dominé avant moi sur
Jérusalem, et mon coeur a vu beaucoup de sagesse et de
science.
- J'ai appliqué mon coeur à connaître la
sagesse, et à connaître la sottise et la folie; j'ai compris
que cela aussi c'est la poursuite du vent.
- Car avec beaucoup de
sagesse on a beaucoup de chagrin, et celui qui augmente sa science augmente sa
douleur.
- J'ai
dit en mon coeur: Allons! je t'éprouverai par la joie, et tu
goûteras le bonheur. Et voici, c'est encore là une
vanité.
- J'ai dit du rire: Insensé! et de la joie: A
quoi sert-elle?
- Je résolus en mon coeur de livrer ma chair au
vin, tandis que mon coeur me conduirait avec sagesse, et de m'attacher
à la folie jusqu'à ce que je visse ce qu'il est bon pour
les fils de l'homme de faire sous les cieux pendant le nombre des jours de
leur vie.
- J'exécutai de grands ouvrages: je me bâtis
des maisons; je me plantai des vignes;
- je me fis des jardins et des
vergers, et j'y plantai des arbres à fruit de toute
espèce;
- je me créai des étangs, pour arroser la
forêt où croissaient les arbres.
- J'achetai des
serviteurs et des servantes, et j'eus leurs enfants nés dans la
maison; je possédai des troupeaux de boeufs et de brebis, plus que tous
ceux qui étaient avant moi dans Jérusalem.
- Je
m'amassai de l'argent et de l'or, et les richesses des rois et des
provinces. Je me procurai des chanteurs et des chanteuses, et les délices
des fils de l'homme, des femmes en grand nombre.
- Je devins grand,
plus grand que tous ceux qui étaient avant moi dans Jérusalem. Et
même ma sagesse demeura avec moi.
- Tout ce que mes yeux avaient
désiré, je ne les en ai point privés; je n'ai
refusé à mon coeur aucune joie; car mon coeur prenait plaisir
à tout mon travail, et c'est la part qui m'en est
revenue.
- Puis, j'ai considéré tous les ouvrages que
mes mains avaient faits, et la peine que j'avais prise à les
exécuter; et voici, tout est vanité et poursuite du vent, et il
n'y a aucun avantage à tirer de ce qu'on fait sous le
soleil.
- Alors j'ai tourné mes regards vers la sagesse, et
vers la sottise et la folie. -Car que fera l'homme qui succédera au
roi? Ce qu'on a déjà fait.
- Et j'ai vu que la
sagesse a de l'avantage sur la folie, comme la lumière a de
l'avantage sur les ténèbres;
- le sage a ses yeux
à la tête, et l'insensé marche dans les
ténèbres. Mais j'ai reconnu aussi qu'ils ont l'un et
l'autre un même sort.
- Et j'ai dit en mon coeur:
J'aurai le même sort que l'insensé; pourquoi donc ai-je
été plus sage? Et j'ai dit en mon coeur que c'est encore
là une vanité.
- Car la mémoire du sage n'est pas
plus éternelle que celle de l'insensé, puisque
déjà les jours qui suivent, tout est oublié. Eh quoi! le
sage meurt aussi bien que l'insensé!
- Et j'ai haï la
vie, car ce qui se fait sous le soleil m'a déplu, car tout est
vanité et poursuite du vent.
- J'ai haï tout le travail
que j'ai fait sous le soleil, et dont je dois laisser la jouissance à
l'homme qui me succédera.
- Et qui sait s'il sera sage ou
insensé? Cependant il sera maître de tout mon travail, de tout le
fruit de ma sagesse sous le soleil. C'est encore là une
vanité.
- Et j'en suis venu à livrer mon coeur au
désespoir, à cause de tout le travail que j'ai fait sous le
soleil.
- Car tel homme a travaillé avec sagesse et science et avec
succès, et il laisse le produit de son travail à un homme qui ne
s'en est point occupé. C'est encore là une vanité
et un grand mal.
- Que revient-il, en effet, à l'homme de tout
son travail et de la préoccupation de son coeur, objet de ses fatigues
sous le soleil?
- Tous ses jours ne sont que douleur, et son partage
n'est que chagrin; même la nuit son coeur ne repose pas. C'est
encore là une vanité.
- Il n'y a de bonheur pour
l'homme qu'à manger et à boire, et à faire jouir
son âme du bien-être, au milieu de son travail; mais j'ai vu que
cela aussi vient de la main de Dieu.
- Qui, en effet, peut manger et
jouir, si ce n'est moi?
- Car il donne à l'homme qui lui
est agréable la sagesse, la science et la joie; mais il donne au
pécheur le soin de recueillir et d'amasser, afin de donner à
celui qui est agréable à Dieu. C'est encore là une
vanité et la poursuite du vent.
- Il y a un temps pour tout, un temps
pour toute chose sous les cieux:
- un temps pour naître, et un temps
pour mourir; un temps pour planter, et un temps pour arracher ce qui a
été planté;
- un temps pour tuer, et un temps pour
guérir; un temps pour abattre, et un temps pour bâtir;
- un
temps pour pleurer, et un temps pour rire; un temps pour se lamenter, et un
temps pour danser;
- un temps pour lancer des pierres, et un temps pour
ramasser des pierres; un temps pour embrasser, et un temps pour
s'éloigner des embrassements;
- un temps pour chercher, et un
temps pour perdre; un temps pour garder, et un temps pour jeter;
- un
temps pour déchirer, et un temps pour coudre; un temps pour se taire, et
un temps pour parler;
- un temps pour aimer, et un temps pour haïr;
un temps pour la guerre, et un temps pour la paix.
- Quel avantage celui
qui travaille retire-t-il de sa peine?
- J'ai vu à quelle
occupation Dieu soumet les fils de l'homme.
- Il fait toute chose
bonne en son temps; même il a mis dans leur coeur la pensée de
l'éternité, bien que l'homme ne puisse pas saisir
l'oeuvre que Dieu fait, du commencement jusqu'à la
fin.
- J'ai reconnu qu'il n'y a de bonheur pour eux
qu'à se réjouir et à se donner du bien-être
pendant leur vie;
- mais que, si un homme mange et boit et jouit du
bien-être au milieu de tout son travail, c'est là un don de
Dieu.
- J'ai reconnu que tout ce que Dieu fait durera toujours,
qu'il n'y a rien à y ajouter et rien à en retrancher, et
que Dieu agit ainsi afin qu'on le craigne.
- Ce qui est a
déjà été, et ce qui sera a déjà
été, et Dieu ramène ce qui est
passé.
- J'ai encore vu sous le soleil qu'au lieu
établi pour juger il y a de la méchanceté, et qu'au
lieu établi pour la justice il y a de la
méchanceté.
- J'ai dit en mon coeur: Dieu jugera le
juste et le méchant; car il y a là un temps pour toute chose et
pour toute oeuvre.
- J'ai dit en mon coeur, au sujet des fils de
l'homme, que Dieu les éprouverait, et qu'eux-mêmes
verraient qu'ils ne sont que des bêtes.
- Car le sort des fils
de l'homme et celui de la bête sont pour eux un même sort; comme
meurt l'un, ainsi meurt l'autre, ils ont tous un même souffle, et
la supériorité de l'homme sur la bête est nulle; car
tout est vanité.
- Tout va dans un même lieu; tout a
été fait de la poussière, et tout retourne à la
poussière.
- Qui sait si le souffle des fils de l'homme monte
en haut, et si le souffle de la bête descend en bas dans la
terre?
- Et j'ai vu qu'il n'y a rien de mieux pour l'homme
que de se réjouir de ses oeuvres: c'est là sa part. Car qui le
fera jouir de ce qui sera après lui?
- J'ai considéré
ensuite toutes les oppressions qui se commettent sous le soleil; et voici, les
opprimés sont dans les larmes, et personne qui les console! ils sont en
butte à la violence de leurs oppresseurs, et personne qui les
console!
- Et j'ai trouvé les morts qui sont déjà
morts plus heureux que les vivants qui sont encore vivants,
- et plus
heureux que les uns et les autres celui qui n'a point encore existé
et qui n'a pas vu les mauvaises actions qui se commettent sous le
soleil.
- J'ai vu que tout travail et toute habileté dans le
travail n'est que jalousie de l'homme à l'égard de son
prochain. C'est encore là une vanité et la poursuite du
vent.
- L'insensé se croise les mains, et mange sa propre
chair.
- Mieux vaut une main pleine avec repos, que les deux mains pleines
avec travail et poursuite du vent.
- J'ai considéré une
autre vanité sous le soleil.
- Tel homme est seul et sans personne
qui lui tienne de près, il n'a ni fils ni frère, et pourtant
son travail n'a point de fin et ses yeux ne sont jamais rassasiés de
richesses. Pour qui donc est-ce que je travaille, et que je prive mon âme
de jouissances? C'est encore là une vanité et une chose
mauvaise.
- Deux valent mieux qu'un, parce qu'ils retirent un bon
salaire de leur travail.
- Car, s'ils tombent, l'un relève
son compagnon; mais malheur à celui qui est seul et qui tombe, sans avoir
un second pour le relever!
- De même, si deux couchent ensemble, ils
auront chaud; mais celui qui est seul, comment aura-t-il chaud?
- Et si
quelqu'un est plus fort qu'un seul, les deux peuvent lui
résister; et la corde à trois fils ne se rompt pas
facilement.
- Mieux vaut un enfant pauvre et sage qu'un roi vieux et
insensé qui ne sait plus écouter les avis;
- car il peut
sortir de prison pour régner, et même être né pauvre
dans son royaume.
- J'ai vu tous les vivants qui marchent sous le
soleil entourer l'enfant qui devait succéder au roi et régner
à sa place.
- Il n'y avait point de fin à tout ce
peuple, à tous ceux à la tête desquels il était. Et
toutefois, ceux qui viendront après ne se réjouiront pas à
son sujet. Car c'est encore là une vanité et la poursuite du
vent.
- Prends garde
à ton pied, lorsque tu entres dans la maison de Dieu; approche-toi pour
écouter, plutôt que pour offrir le sacrifice des insensés,
car ils ne savent pas qu'ils font mal.
- Ne te presse pas d'ouvrir
la bouche, et que ton coeur ne se hâte pas d'exprimer une parole
devant Dieu; car Dieu est au ciel, et toi sur la terre: que tes paroles soient
donc peu nombreuses.
- Car, si les songes naissent de la multitude des
occupations, la voix de l'insensé se fait entendre dans la multitude
des paroles.
- Lorsque tu as fait un voeu à Dieu, ne tarde pas
à l'accomplir, car il n'aime pas les insensés: accomplis
le voeu que tu as fait.
- Mieux vaut pour toi ne point faire de voeu, que
d'en faire un et de ne pas l'accomplir.
- Ne permets pas à
ta bouche de faire pécher ta chair, et ne dis pas en présence de
l'envoyé que c'est une inadvertance. Pourquoi Dieu
s'irriterait-il de tes paroles, et détruirait-il l'ouvrage de tes
mains?
- Car, s'il y a des vanités dans la multitude des
songes, il y en a aussi dans beaucoup de paroles; c'est pourquoi, crains
Dieu.
- Si tu vois dans une province le pauvre opprimé et la
violation du droit et de la justice, ne t'en étonne point; car un
homme élevé est placé sous la surveillance d'un autre
plus élevé, et au-dessus d'eux il en est de plus
élevés encore.
- Un avantage pour le pays à tous
égards, c'est un roi honoré du pays.
- Celui qui aime
l'argent n'est pas rassasié par l'argent, et celui qui aime
les richesses n'en profite pas. C'est encore là une
vanité.
- Quand le bien abonde, ceux qui le mangent abondent; et
quel avantage en revient-il à son possesseur, sinon qu'il le voit de
ses yeux?
- Le sommeil du travailleur est doux, qu'il ait peu ou
beaucoup à manger; mais le rassasiement du riche ne le laisse pas
dormir.
- Il est un mal grave que j'ai vu sous le soleil: des
richesses conservées, pour son malheur, par celui qui les
possède.
- Ces richesses se perdent par quelque
événement fâcheux; il a engendré un fils, et il ne
reste rien entre ses mains.
- Comme il est sorti du ventre de sa
mère, il s'en retourne nu ainsi qu'il était venu, et pour
son travail n'emporte rien qu'il puisse prendre dans sa
main.
- C'est encore là un mal grave. Il s'en va comme il
était venu; et quel avantage lui revient-il d'avoir travaillé
pour du vent?
- De plus, toute sa vie il mange dans les
ténèbres, et il a beaucoup de chagrin, de maux et
d'irritation.
- Voici ce que j'ai vu: c'est pour l'homme
une chose bonne et belle de manger et de boire, et de jouir du bien-être
au milieu de tout le travail qu'il fait sous le soleil, pendant le nombre
des jours de vie que Dieu lui a donnés; car c'est là sa
part.
- Mais, si Dieu a donné à un homme des richesses et
des biens, s'il l'a rendu maître d'en manger, d'en prendre
sa part, et de se réjouir au milieu de son travail, c'est là
un don de Dieu.
- Car il ne se souviendra pas beaucoup des jours de sa
vie, parce que Dieu répand la joie dans son coeur.
- Il est un mal que j'ai vu sous
le soleil, et qui est fréquent parmi les hommes.
- Il y a tel homme
à qui Dieu a donné des richesses, des biens, et de la gloire, et
qui ne manque pour son âme de rien de ce qu'il désire, mais que
Dieu ne laisse pas maître d'en jouir, car c'est un étranger
qui en jouira. C'est là une vanité et un mal
grave.
- Quand un homme aurait cent fils, vivrait un grand nombre
d'années, et que les jours de ses années se multiplieraient,
si son âme ne s'est point rassasiée de bonheur, et si de plus
il n'a point de sépulture, je dis qu'un avorton est plus heureux
que lui.
- Car il est venu en vain, il s'en va dans les
ténèbres, et son nom reste couvert de
ténèbres;
- il n'a point vu, il n'a point connu le
soleil; il a plus de repos que cet homme.
- Et quand celui-ci vivrait deux
fois mille ans, sans jouir du bonheur, tout ne va-t-il pas dans un même
lieu?
- Tout le travail de l'homme est pour sa bouche, et cependant
ses désirs ne sont jamais satisfaits.
- Car quel avantage le sage
a-t-il sur l'insensé? quel avantage a le malheureux qui sait se
conduire en présence des vivants?
- Ce que les yeux voient est
préférable à l'agitation des désirs: c'est
encore là une vanité et la poursuite du vent.
- Ce qui
existe a déjà été appelé par son nom; et
l'on sait que celui qui est homme ne peut contester avec un plus fort que
lui.
- S'il y a beaucoup de choses, il y a beaucoup de vanités:
quel avantage en revient-il à l'homme?
- Car qui sait ce qui
est bon pour l'homme dans la vie, pendant le nombre des jours de sa vie de
vanité, qu'il passe comme une ombre? Et qui peut dire à
l'homme ce qui sera après lui sous le soleil?
- Une bonne réputation vaut
mieux que le bon parfum, et le jour de la mort que le jour de la
naissance.
- Mieux vaut aller dans une maison de deuil que d'aller
dans une maison de festin; car c'est là la fin de tout homme, et
celui qui vit prend la chose à coeur.
- Mieux vaut le chagrin que
le rire; car avec un visage triste le coeur peut être content.
- Le
coeur des sages est dans la maison de deuil, et le coeur des insensés
dans la maison de joie.
- Mieux vaut entendre la réprimande du sage
que d'entendre le chant des insensés.
- Car comme le bruit des
épines sous la chaudière, ainsi est le rire des insensés.
C'est encore là une vanité.
- L'oppression rend
insensé le sage, et les présents corrompent le
coeur.
- Mieux vaut la fin d'une chose que son commencement; mieux
vaut un esprit patient qu'un esprit hautain.
- Ne te hâte pas en
ton esprit de t'irriter, car l'irritation repose dans le sein des
insensés.
- Ne dis pas: D'où vient que les jours
passés étaient meilleurs que ceux ci? Car ce n'est point par
sagesse que tu demandes cela.
- La sagesse vaut autant qu'un
héritage, et même plus pour ceux qui voient le soleil.
- Car
à l'ombre de la sagesse on est abrité comme à
l'ombre de l'argent; mais un avantage de la science, c'est que la
sagesse fait vivre ceux qui la possèdent.
- Regarde l'oeuvre de
Dieu: qui pourra redresser ce qu'il a courbé?
- Au jour du
bonheur, sois heureux, et au jour du malheur, réfléchis: Dieu a
fait l'un comme l'autre, afin que l'homme ne découvre en rien
ce qui sera après lui.
- J'ai vu tout cela pendant les jours de
ma vanité. Il y a tel juste qui périt dans sa justice, et il y a
tel méchant qui prolonge son existence dans sa
méchanceté.
- Ne sois pas juste à l'excès,
et ne te montre pas trop sage: pourquoi te détruirais-tu?
- Ne sois
pas méchant à l'excès, et ne sois pas insensé:
pourquoi mourrais-tu avant ton temps?
- Il est bon que tu retiennes ceci,
et que tu ne négliges point cela; car celui qui craint Dieu
échappe à toutes ces choses.
- La sagesse rend le sage plus
fort que dix chefs qui sont dans une ville.
- Non, il n'y a sur la
terre point d'homme juste qui fasse le bien et qui ne pèche
jamais.
- Ne fais donc pas attention à toutes les paroles qu'on
dit, de peur que tu n'entendes ton serviteur te maudire;
- car ton
coeur a senti bien des fois que tu as toi-même maudit les
autres.
- J'ai éprouvé tout cela par la sagesse.
J'ai dit: Je serai sage. Et la sagesse est restée loin de
moi.
- Ce qui est loin, ce qui est profond, profond, qui peut
l'atteindre?
- Je me suis appliqué dans mon coeur à
connaître, à sonder, et à chercher la sagesse et la raison
des choses, et à connaître la folie de la méchanceté
et la stupidité de la sottise.
- Et j'ai trouvé plus
amère que la mort la femme dont le coeur est un piège et un filet,
et dont les mains sont des liens; celui qui est agréable à Dieu
lui échappe, mais le pécheur est pris par elle.
- Voici ce
que j'ai trouvé, dit l'Ecclésiaste, en examinant les
choses une à une pour en saisir la raison;
- voici ce que mon
âme cherche encore, et que je n'ai point trouvé. J'ai
trouvé un homme entre mille; mais je n'ai pas trouvé une femme
entre elles toutes.
- Seulement, voici ce que j'ai trouvé,
c'est que Dieu a fait les hommes droits; mais ils ont cherché
beaucoup de détours.
- Qui est comme le sage, et qui connaît l'explication des
choses? La sagesse d'un homme fait briller son visage, et la
sévérité de sa face est changée.
- Je te dis:
Observe les ordres du roi, et cela à cause du serment fait à
Dieu.
- Ne te hâte pas de t'éloigner de lui, et ne
persiste pas dans une chose mauvaise: car il peut faire tout ce qui lui
plaît,
- parce que la parole du roi est puissante; et qui lui dira:
Que fais-tu?
- Celui qui observe le commandement ne connaît point de
chose mauvaise, et le coeur du sage connaît le temps et le
jugement.
- Car il y a pour toute chose un temps et un jugement, quand le
malheur accable l'homme.
- Mais il ne sait point ce qui arrivera, et
qui lui dira comment cela arrivera?
- L'homme n'est pas
maître de son souffle pour pouvoir le retenir, et il n'a aucune
puissance sur le jour de la mort; il n'y a point de délivrance dans
ce combat, et la méchanceté ne saurait sauver les
méchants.
- J'ai vu tout cela, et j'ai appliqué mon
coeur à tout ce qui se fait sous le soleil. Il y a un temps où
l'homme domine sur l'homme pour le rendre malheureux.
- Alors
j'ai vu des méchants recevoir la sépulture et entrer dans leur
repos, et ceux qui avaient agi avec droiture s'en aller loin du lieu saint
et être oubliés dans la ville. C'est encore là une
vanité.
- Parce qu'une sentence contre les mauvaises actions ne
s'exécute pas promptement, le coeur des fils de l'homme se
remplit en eux du désir de faire le mal.
- Cependant, quoique le
pécheur fasse cent fois le mal et qu'il y persévère
longtemps, je sais aussi que le bonheur est pour ceux qui craignent Dieu, parce
qu'ils ont de la crainte devant lui.
- Mais le bonheur n'est pas
pour le méchant, et il ne prolongera point ses jours, pas plus que
l'ombre, parce qu'il n'a pas de la crainte devant Dieu.
- Il
est une vanité qui a lieu sur la terre: c'est qu'il y a des
justes auxquels il arrive selon l'oeuvre des méchants, et des
méchants auxquels il arrive selon l'oeuvre des justes. Je dis que
c'est encore là une vanité.
- J'ai donc loué
la joie, parce qu'il n'y a de bonheur pour l'homme sous le soleil
qu'à manger et à boire et à se réjouir;
c'est là ce qui doit l'accompagner au milieu de son travail,
pendant les jours de vie que Dieu lui donne sous le soleil.
- Lorsque
j'ai appliqué mon coeur à connaître la sagesse et
à considérer les choses qui se passent sur la terre, -car les yeux
de l'homme ne goûtent le sommeil ni jour ni nuit,
- j'ai vu
toute l'oeuvre de Dieu, j'ai vu que l'homme ne peut pas trouver ce
qui se fait sous le soleil; il a beau se fatiguer à chercher, il ne
trouve pas; et même si le sage veut connaître, il ne peut pas
trouver.
- Oui,
j'ai appliqué mon coeur à tout cela, j'ai fait de tout
cela l'objet de mon examen, et j'ai vu que les justes et les sages, et
leurs travaux, sont dans la main de Dieu, et l'amour aussi bien que la
haine; les hommes ne savent rien: tout est devant eux.
- Tout arrive
également à tous; même sort pour le juste et pour le
méchant, pour celui qui est bon et pur et pour celui qui est impur, pour
celui qui sacrifie et pour celui qui ne sacrifie pas; il en est du bon comme du
pécheur, de celui qui jure comme de celui qui craint de
jurer.
- Ceci est un mal parmi tout ce qui se fait sous le soleil,
c'est qu'il y a pour tous un même sort; aussi le coeur des fils de
l'homme est-il plein de méchanceté, et la folie est dans leur
coeur pendant leur vie; après quoi, ils vont chez les morts. Car, qui est
excepté?
- Pour tous ceux qui vivent il y a de
l'espérance; et même un chien vivant vaut mieux qu'un lion
mort.
- Les vivants, en effet, savent qu'ils mourront; mais les morts
ne savent rien, et il n'y a pour eux plus de salaire, puisque leur
mémoire est oubliée.
- Et leur amour, et leur haine, et leur
envie, ont déjà péri; et ils n'auront plus jamais
aucune part à tout ce qui se fait sous le soleil.
- Va, mange avec
joie ton pain, et bois gaiement ton vin; car dès longtemps Dieu prend
plaisir à ce que tu fais.
- Qu'en tout temps tes
vêtements soient blancs, et que l'huile ne manque point sur ta
tête.
- Jouis de la vie avec la femme que tu aimes, pendant tous les
jours de ta vie de vanité, que Dieu t'a donnés sous le soleil,
pendant tous les jours de ta vanité; car c'est ta part dans la vie,
au milieu de ton travail que tu fais sous le soleil.
- Tout ce que ta main
trouve à faire avec ta force, fais-le; car il n'y a ni oeuvre, ni
pensée, ni science, ni sagesse, dans le séjour des morts,
où tu vas.
- J'ai encore vu sous le soleil que la course
n'est point aux agiles ni la guerre aux vaillants, ni le pain aux sages, ni
la richesse aux intelligents, ni la faveur aux savants; car tout dépend
pour eux du temps et des circonstances.
- L'homme ne connaît pas
non plus son heure, pareil aux poissons qui sont pris au filet fatal, et aux
oiseaux qui sont pris au piège; comme eux, les fils de l'homme sont
enlacés au temps du malheur, lorsqu'il tombe sur eux tout à
coup.
- J'ai aussi vu sous le soleil ce trait d'une sagesse qui
m'a paru grande.
- Il y avait une petite ville, avec peu d'hommes
dans son sein; un roi puissant marcha sur elle, l'investit, et éleva
contre elle de grands forts.
- Il s'y trouvait un homme pauvre et
sage, qui sauva la ville par sa sagesse. Et personne ne s'est souvenu de cet
homme pauvre.
- Et j'ai dit: La sagesse vaut mieux que la force.
Cependant la sagesse du pauvre est méprisée, et ses paroles ne
sont pas écoutées.
- Les paroles des sages tranquillement
écoutées valent mieux que les cris de celui qui domine parmi les
insensés.
- La sagesse vaut mieux que les instruments de guerre;
mais un seul pécheur détruit beaucoup de bien.
- Les mouches mortes infectent et
font fermenter l'huile du parfumeur; un peu de folie l'emporte sur la
sagesse et sur la gloire.
- Le coeur du sage est à sa droite, et le
coeur de l'insensé à sa gauche.
- Quand
l'insensé marche dans un chemin, le sens lui manque, et il dit de
chacun: Voilà un fou!
- Si l'esprit de celui qui domine
s'élève contre toi, ne quitte point ta place; car le calme
prévient de grands péchés.
- Il est un mal que
j'ai vu sous le soleil, comme une erreur provenant de celui qui
gouverne:
- la folie occupe des postes très élevés,
et des riches sont assis dans l'abaissement.
- J'ai vu des
esclaves sur des chevaux, et des princes marchant sur terre comme des
esclaves.
- Celui qui creuse une fosse y tombera, et celui qui renverse
une muraille sera mordu par un serpent.
- Celui qui remue des pierres en
sera blessé, et celui qui fend du bois en éprouvera du
danger.
- S'il a émoussé le fer, et s'il n'en a
pas aiguisé le tranchant, il devra redoubler de force; mais la sagesse a
l'avantage du succès.
- Si le serpent mord faute
d'enchantement, il n'y a point d'avantage pour
l'enchanteur.
- Les paroles de la bouche du sage sont pleines de
grâce; mais les lèvres de l'insensé causent sa
perte.
- Le commencement des paroles de sa bouche est folie, et la fin de
son discours est une méchante folie.
- L'insensé
multiplie les paroles. L'homme ne sait point ce qui arrivera, et qui lui
dira ce qui sera après lui?
- Le travail de l'insensé le
fatigue, parce qu'il ne sait pas aller à la ville.
- Malheur
à toi, pays dont le roi est un enfant, et dont les princes mangent
dès le matin!
- Heureux toi, pays dont le roi est de race illustre,
et dont les princes mangent au temps convenable, pour soutenir leurs forces, et
non pour se livrer à la boisson!
- Quand les mains sont
paresseuses, la charpente s'affaisse; et quand les mains sont lâches,
la maison a des gouttières.
- On fait des repas pour se divertir,
le vin rend la vie joyeuse, et l'argent répond à
tout.
- Ne maudis pas le roi, même dans ta pensée, et ne
maudis pas le riche dans la chambre où tu couches; car l'oiseau du
ciel emporterait ta voix, l'animal ailé publierait tes
paroles.
- Jette
ton pain sur la face des eaux, car avec le temps tu le
retrouveras;
- donnes-en une part à sept et même à
huit, car tu ne sais pas quel malheur peut arriver sur la terre.
- Quand
les nuages sont pleins de pluie, ils la répandent sur la terre; et si un
arbre tombe, au midi ou au nord, il reste à la place où il est
tombé.
- Celui qui observe le vent ne sèmera point, et celui
qui regarde les nuages ne moissonnera point.
- Comme tu ne sais pas quel
est le chemin du vent, ni comment se forment les os dans le ventre de la femme
enceinte, tu ne connais pas non plus l'oeuvre de Dieu qui fait
tout.
- Dès le matin sème ta semence, et le soir ne laisse
pas reposer ta main; car tu ne sais point ce qui réussira, ceci ou cela,
ou si l'un et l'autre sont également bons.
- La
lumière est douce, et il est agréable aux yeux de voir le
soleil.
- Si donc un homme vit beaucoup d'années, qu'il se
réjouisse pendant toutes ces années, et qu'il pense aux jours
de ténèbres qui seront nombreux; tout ce qui arrivera est
vanité.
- Jeune homme, réjouis-toi dans ta jeunesse, livre
ton coeur à la joie pendant les jours de ta jeunesse, marche dans les
voies de ton coeur et selon les regards de tes yeux; mais sache que pour tout
cela Dieu t'appellera en jugement.
- Bannis de ton coeur le chagrin,
et éloigne le mal de ton corps; car la jeunesse et l'aurore sont
vanité.
- Mais souviens-toi de ton créateur pendant les jours de ta
jeunesse, avant que les jours mauvais arrivent et que les années
s'approchent où tu diras: Je n'y prends point de
plaisir;
- avant que s'obscurcissent le soleil et la lumière,
la lune et les étoiles, et que les nuages reviennent après la
pluie,
- temps où les gardiens de la maison tremblent, où
les hommes forts se courbent, où celles qui moulent s'arrêtent
parce qu'elles sont diminuées, où ceux qui regardent par les
fenêtres sont obscurcis,
- où les deux battants de la porte
se ferment sur la rue quand s'abaisse le bruit de la meule, où
l'on se lève au chant de l'oiseau, où s'affaiblissent
toutes les filles du chant,
- où l'on redoute ce qui est
élevé, où l'on a des terreurs en chemin, où
l'amandier fleurit, où la sauterelle devient pesante, et où la
câpre n'a plus d'effet, car l'homme s'en va vers sa
demeure éternelle, et les pleureurs parcourent les rues;
- avant
que le cordon d'argent se détache, que le vase d'or se brise, que
le seau se rompe sur la source, et que la roue se casse sur la
citerne;
- avant que la poussière retourne à la terre, comme
elle y était, et que l'esprit retourne à Dieu qui l'a
donné.
- Vanité des vanités, dit
l'Ecclésiaste, tout est vanité.
- Outre que
l'Ecclésiaste fut un sage, il a encore enseigné la science au
peuple, et il a examiné, sondé, mis en ordre un grand nombre de
sentences.
- L'Ecclésiaste s'est efforcé de trouver
des paroles agréables; et ce qui a été écrit avec
droiture, ce sont des paroles de vérité.
- Les paroles des
sages sont comme des aiguillons; et, rassemblées en un recueil, elles
sont comme des clous plantés, données par un seul
maître.
- Du reste, mon fils, tire instruction de ces choses; on ne
finirait pas, si l'on voulait faire un grand nombre de livres, et beaucoup
d'étude est une fatigue pour le corps.
- Écoutons la fin
du discours: Crains Dieu et observe ses commandements. C'est là ce
que doit faire tout homme.
- Car Dieu amènera toute oeuvre en
jugement, au sujet de tout ce qui est caché, soit bien, soit
mal.